Depuis juillet 20221, je suis archiviste itinérante au sein d’un centre de gestion. Au moment du renouvellement de mon contrat, j’ai eu envie de présenter ce métier qui est, selon moi, trop méconnu par le grand public ainsi que par certains professionnels.
Pour ma part, j’ai découvert ce métier au cours de mon stage de M1 au sein du service des archives de l’Université de Strasbourg. Ma responsable de stage, qui avait effectué une partie de sa carrière en tant qu’archiviste itinérante, me l’avait présenté comme une expérience extrêmement formatrice, mettant à l’épreuve notre capacité d’adaptation et permettant d’apprendre à gérer un important volume de manière rapide et efficace.
J’ai en effet pu constater la véracité de ses propos depuis deux ans. Je tiens cependant à avertir que je ne peux présenter ici que mon expérience en tant qu’archiviste itinérant dans un centre de gestion. Ce métier peut être exercé dans bien d’autres structures, aux archives départementales ou dans le privé notamment. Même entre les centres de gestion, la mission archives peut fonctionner différemment, en fonction de la taille de l’équipe, des prestations proposées, du territoire concerné, etc.
L’archiviste itinérant.e a la réputation de travailler seul.e et je ne peux pas nier que cela fait partie de la réalité de ce métier. Il est nécessaire de savoir travailler en autonomie, de prendre des décisions rapidement et de ne pas craindre l’isolement. Néanmoins, un.e archiviste itinérant.e n’est pas en permanence isolé.e : d’une part, d’autres archivistes peuvent faire partie du service et les missions en équipe ne sont pas rares. D’autre part, l’intervention se faisant au sein d’une mairie ou d’un établissement public de coopération intercommunale (EPCI), nous sommes en contact direct avec les agents de la collectivité que ce soit pour les interroger sur leur production, pour leur présenter la mission ou simplement pour partager une pause repas.
La distinction par rapport aux postes que l’on pourrait qualifier de « sédentaires » s’explique en partie par les différences majeures de méthodes de travail. Un exemple frappant est la méthodologie de classement. Les archivistes municipaux.les ou départementaux.les, par exemple, ont la possibilité de prendre leur temps lors du traitement afin de réaliser un classement précis, souvent à la pièce. Pour les archivistes itinérant.e.s, le maitre mot est l’efficacité : le temps de présence dans une collectivité étant limité, il faut être capable de traiter un important volume de documents (2 m.l. journalier dans mon service) tout en produisant des instruments de recherche facilement exploitables par les agents producteurs et en autonomie.
De plus, les missions archives des centres de gestion faisant partie de leurs compétences facultatives, les archivistes n’interviennent donc qu’à la demande explicite de la collectivité. L’intervention représente un coût supplémentaire puisque, souvent, la prestation n’est pas comprise dans l’adhésion d’une collectivité.
Une mission peut autant durer 2 jours que plus de 100 en fonction de la demande de la collectivité, des tâches à réaliser, des moyens mis à disposition, etc. Par conséquent, le travail effectué ne sera pas le même, ni nos objectifs, ni le confort de notre installation.
Enfin, matériellement, comme son nom l’indique, l’itinérance est une notion fondamentale de l’archiviste itinérant.e. Il est donc indispensable d’avoir obtenu son permis et d’être à l’aise sur la route. En fonction de la distance, du paysage local, de la météo ou encore des autres conducteur.rice.s, le temps de route (et sa perception) peut largement varier.
En somme, il est nécessaire, à chaque nouvelle mission, de s’adapter aux attentes des services, de sensibiliser les agents à la question de l’archivage et de s’approprier un nouvel environnement de travail.
À noter que la section des archivistes communaux, intercommunaux et itinérants (ACII)2 fait partie de l’Association des archivistes français (AAF) et comprend un groupe de travail d’archivistes itinérants3.
Pour conclure, je souhaite indiquer quelques chiffres personnels qui pourraient illustrer le métier : de janvier à juin 2024, je suis intervenue dans 13 collectivités, j’ai parcouru 1892,20 kilomètres, conservé 141,97 mètres linéaires d’archives et proposé à l’élimination 70,21 m.l. de documents.
Conseils de lecture
VIEL, Mia, Rapport d’enquête « Être archiviste itinérant.e aujourd’hui », Association des étudiants et diplômés en archivistique d’Angers (Aedaa), 2022. URL : https://aedaa.fr/2022/03/rapport-denquete-etre-archiviste-itinerant-e-aujourdhui-de-laedaa/
Groupe de travail des archivistes itinérant, Dossier « L’itinérant·e : un·e archiviste tout terrain », Archivistes !, n°144, avril-juin 2023, p. 17-26. Version papier ou URL : https://www.archivistes.org/Archivistes-no-144
Groupe de travail des archivistes itinérants, Rapport d’enquête « Les conditions de travail des archivistes itinérants », Association des archivistes français (AAF), 2024. URL : https://www.archivistes.org/Rapport-d-enquete-les-conditions-de-travail-des-archivistes-itinerants
Crédits photographiques
Image à la une : “Mur d’éliminations”, photographie prise le 14 décembre 2022 par Pauline MULLER, CC BY-NC-SA.
- promotion 2020 à 2022 du master Métiers des archives, des bibliothèques. Médiation de l’histoire et humanités numériques [↩]
- https://www.archivistes.org/Section-des-archivistes-communaux-intercommunaux-et-itinerants-5218 [↩]
- https://www.archivistes.org/archivistes-itinerants [↩]
